Alphonse (1854-1920)
et Dorimène (1858-1932)
Desjardins
Mouvement Desjardins
Aperçus biographiques
Journaliste, fonctionnaire, propriétaire de journal et fondateur de caisses populaires, Alphonse Desjardins est né le 5 novembre 1854 à Lévis, fut l’époux de Dorimène Roy-Desjardins et, ensemble, ils eurent dix enfants. Son parcours professionnel diversifié, son intérêt pour la politique et ses lectures lui font prendre conscience de lacunes dans l’organisation du crédit. Inspiré par l’ouvrage People’s banks, a record of social and economic success de l’Anglais Henry William Wolff, et en tenant compte des différences de nature économique, sociale et culturelle entre le Canada et l’Europe, il opte pour un nouveau modèle coopératif, inspiré des règles d’organisations européennes.
C’est ainsi qu’en décembre 1900, au cours d’une assemblée d’une centaine de personnes, la Caisse populaire de Lévis est fondée. Elle se définissait comme une société coopérative d’épargne et de crédit à capital variable. La seule règle d’organisation, qui lui était propre, était la variabilité du capital, qui permettait aux sociétaires d’exiger en tout temps, moyennant préavis, le remboursement de leur part sociale de 5 $. La fonction essentielle de la caisse était d’organiser le crédit populaire à partir de l’épargne populaire. Tout en facilitant l’accès au crédit, elle visait donc à développer des habitudes de prévoyance et d’épargne parmi ses membres.
Alphonse Desjardins fondera pas moins de 136 caisses de 1907 à 1915, ce qu’il accomplit dans son temps libre, sans aucune aide financière. Il songe souvent à une subvention gouvernementale, mais sa crainte d’une ingérence politique le pousse à ne pas s’engager dans cette voie. Atteint d’une maladie incurable, il songea avec anxiété aux moyens d’assurer la pérennité de son œuvre, tel le regroupement des caisses au sein d’une fédération, une décision qui mettrait à leur disposition les services techniques et financiers nécessaires à leur sécurité ainsi qu’à leur croissance.
Cette fédération aurait eu la responsabilité d’inspecter annuellement les caisses populaires, d’organiser une caisse centrale pour administrer les surplus de liquidités des caisses locales et d’offrir des prêts à celles qui manqueraient de fonds. Cependant, les 140 caisses du Québec expriment leur réticence à cet égard et la proposition d’Alphonse Desjardins n’est pas retenue. Bien qu’elle soit temporairement restée inachevée, entre le décès de M. Desjardins en 1920 et la création de la Fédération des Caisses en 1932, son œuvre ne suscite pas moins l’admiration. À l’époque, L’Action catholique prédisait que les caisses deviendraient « la base solide de la fortune nationale canadienne-française ».
Née en septembre 1858 à Sorel, Dorimène Desjardins détient une part considérable et souvent méconnue dans le succès des caisses populaires. Ses nombreuses qualités lui ont permis de donner son appui au projet des caisses, d’apporter un soutien constant à son mari et d’en être souvent la principale source d’inspiration. De 1903 à 1906, dans la pratique de chaque jour, il arrive fréquemment que Dorimène Desjardins effectue les tâches de gérance au nom de son mari, qui lui porte officiellement le titre.
À la retraite de son mari, Dorimème deviendra alors la dépositaire des projets de ce dernier et contribuera aux travaux du comité spécial, formé par les dirigeants de la Caisse de Lévis, pour préciser le projet de fédération et de caisse centrale. Suite au décès de son mari en 1920, les caisses populaires se sont rapidement donné des structures communes. Toutefois, comme des divergences apparaissent dans l’interprétation de la pensée du fondateur, on fait souvent appel à sa veuve qui acquiert, alors, une grande autorité morale.
Unique légataire des documents personnels de son mari, Dorimène s’assure également de la sauvegarde et de l’accessibilité de tous les documents traitant de la coopération, de l’économie sociale et des affaires publiques. En 1921, elle se propose d’en faire don à la Caisse populaire de Lévis, mais sa démarche tombe à plat. Deux ans plus tard, elle vend ces documents, près de 1 000 titres, à la Bibliothèque de la Législature, l’actuelle Bibliothèque de l’Assemblée nationale, à Québec.
Pendant ce temps, l’importance du rôle de Dorimène Desjardins dans le Mouvement des caisses populaires émerge au grand jour. Dans les années 1920, en cohérence avec la vision originale d’Alphonse Desjardins, elle collabore à l’unification et à l’organisation des caisses populaires de la région de Québec. Elle joue alors un rôle actif dans la fondation de l’Union régionale des caisses populaires Desjardins du district de Québec en 1921 et est nommée vice-patron du Conseil de cette Union.
Dorimène Desjardins meurt le 14 juin 1932 à l’âge de 73 ans. L’Action catholique lui rendra ce vibrant hommage : « Sans elle, reconnaissons-le, les caisses populaires Desjardins n’existeraient probablement pas ». De ce point de vue, l’action de Dorimène Desjardins a laissé suffisamment de traces tangibles pour qu’on puisse la considérer comme la cofondatrice des caisses populaires.
« Dans les lointains de ce rêve, soulevant un coin du voile qui nous dérobe l’avenir, je vois nos classes laborieuses mieux outillées, mieux protégées, parce qu’elles seront les gardiennes de leurs propres intérêts, émancipées de la tutelle des égoïsmes, perfectionnées dans leur bien-être moral et matériel, conscientes de leurs forces et de leurs ressources, pourvues d’associations économiques de tous genres, remplaçant l’antique et repoussante formule de « lutte pour la vie » par « l’union pour la vie ». »
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ALPHONSE DESJARDINS